Sur la recherche du bien

Je ne suis pas de ceux qui croient en un bien exponentiel ou au progrès synonyme de bien. Si ce dernier peut réduire la souffrance d’un côté avec l’accès aux soins par exemple, il peut également la décupler par la violence de nouveaux conflits. Le progrès est un moteur de l’humanité mais n’est pas affilié moralement. Le bien et le mal, le moral sont des concepts inexistants dans la nature: ils sont le fruit de la volonté humaine.

Cette volonté, à l’échelle individuelle, choisit comment utiliser la technologie, donc le progrès, une hache peut tuer un homme ou couper du bois. Le bien et le mal sont toujours présents. Il y a surement quelques oscillations d’un côté ou de l’autre, mais malgré des événements historiques qui peuvent sembler décisifs dans une potentielle quête du bien ou dans l’ascension du mal, il a globalement toujours un équilibre. D’ailleurs, ces événements sont l’arbre qui cache la forêt. Le bien est surtout l’expression d’actions individuelles qui lorsqu’on les additionne forment le bien. Les événements historiques sont la superstructure du bien, et les actions individuelles la réelle structure pour piquer la formule à Marx. J’affirmais dans un précédent article, que le 21ème siècle est l’époque la plus confortable : le confort y est incroyable grâce au progrès, mais le bien et le mal eux, n’y ont pas vu grand changement.  Le monde a été, est et sera toujours le même, les forces qui le mettent en mouvement respecteront toujours les mêmes lois. 

« Se rappeler toujours cette sentence d’Héraclite : La mort de la terre, c’est de se changer en eau ; la mort de l’eau, c’est de se changer en air ; la mort de l’air, de se changer en feu ; et réciproquement. » – Marc Aurèle 

Il y a un cycle des choses, le monde suit un cycle, les civilisations, la vie mais le progrès technologique est la seule chose qui soit peut être linéaire. Et je dis peut être; parce que qui sait ? Nous sommes peut être la première, ou la 10ème génération d’humanité, peut être que notre technologie atteindra un point de non retour, un âge d’or avant l’effondrement et ce sera le retour au primitif. J’extrapole.

Tout ça pour en venir à l’idée que l’essentiel n’est pas dans les actions qui marquent le monde. D’ailleurs, elles sont bien minimes (surtout avec les connaissances historiques de plus en plus anecdotiques, Cf les livres d’histoire du lycée qui sont de plus en plus médiocres, les gens oublient). L‘essentiel se trouve dans vos actions quotidiennes présentes, votre manière, vos relations, c’est la façon dont vous fondez votre propre vie, votre ligne de conduite  qui importe réellement et fait de vous des êtres dignes.  Elle est là, la réelle noblesse de cœur et d’esprit. 

“Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle  de la nature” – Kant

Tout ça pour en venir au concept de « citoyen du monde », un concept né chez les stoïciens mais qui, à mon sens , est aujourd’hui complètement manipulé et prostitué. C’est à la base l’idée qu’il faut faire le bien pour l’humanité, et qu’elle est un tout. L’espèce humaine est une ruche et l’homme une abeille, celui-ci doit mettre sa vie au service de la ruche. C’est l’idée qu’il y a cet intérêt qui prime au dessus des pays, des nationalités… Ce qui mène à des organisations qui ont pour but d’instaurer les droits de l’homme par exemple, une bonne chose. C’est ça le citoyen du monde : celui qui oeuvre pour l’humanité, qui fait le bien et qui rend heureux son prochain. Seulement, aujourd’hui, c’est devenu un concept fumeux de rebelle communiste  pour se donner un air.  L’idée actuelle de citoyen du monde est une volonté de paix mondiale, l’idée que l’humanité doit se réunir sous une même bannière parce que les distinctions entre peuples, les cultures sont des erreurs. C’est aussi nier la complexité de l’humanité et des peuples qui la composent, chacun influencé par leurs ancêtres.  Or la connaissance de notre passé est une des choses les plus importantes pour permettre une réflexion sur nos choix futurs. Aujourd’hui, cette expression est utilisée pour dire « oui il faut la paix dans le monde », « il faut abolir les frontières » et uniformiser notre culture. Au niveau de la culture, c’est déjà le cas, avec l’influence culturelle de l’Amérique. Ce concept tel qu’il est imaginé aujourd’hui n’est pas viable dans le réel, il nie les différences profondes entre les groupes, les problématiques propres à chaque civilisation. S’il faut œuvrer pour des droits communs, des lois morales, une certaine justice, regrouper l’humanité et l’uniformiser est une erreur qui lui nuit et qui n’est envisagé de toute manière que chez l’occidental qui ne s’aime plus.  Au contraire, les pays asiatiques sont partis de la même idée de citoyen du monde bouddhiste ( très proche de celle des stoïciens) qui n’a pas été altérée.

Il est possible que ce qu’on appelle progrès permette un jour par le biais de la mondialisation, de créer un même pays : le monde. Dans le commun, on se dit que se serait super pour la paix, et donc le bien. Or une mauvaise paix est aussi destructrice qu’une mauvaise guerre. On peut avec une fantaisie rationnelle, imaginer les conséquences de cela. La mondialisation conduit à une délocalisation massive de la production dans des pays du tiers monde. Une fois que ceux-ci développent des conditions satisfaisantes pour les travailleurs, la production est à nouveau délocalisée… De plus, l’amélioration technologique des moyens de production fait qu’on à de moins en moins besoin de l’homme, la machine prend le dessus,  dans tous les domaines, de l’écriture d’article dans certains magazines, en passant par la production en usine jusqu’aux récoles agricoles. Un ami m’a montré, il y a peu, son tracteur automatisé, gain de temps et d’argent. L’homme n’a plus sa place dans le travail, il reste le tertiaire pour les accueillir mais lui-même n’a plus grand chose à offrir, alors on invente des bullshit job et des diplômes minables, absents de sens, en attendant, pour faire transition. Puis viendra le jour ou le tertiaire aussi sera automatisé grâce à l’IA. Il ne restera que quelques humains travaillant pour faire la maintenance de la machine qui fait la maintenance d’une autre machine… Mais il faut occuper l’homme, et il faut de la croissance, alors on mettra en place le revenu universel pour permettre aux gens de consommer, se faire plaisir. On en arrive à une société du type Huxley (le meilleur des mondes). Il n’y a plus de travail, donc plus le moyen de passer d’une classe sociale à une autre, plus de moyen de progresser, d’avancer,  de s’émanciper, de donner un quelconque sens à sa vie, le seul sens possible est celui offert par les orgies de plaisir. Au final l’homme reste enfermé dans une caste toute sa vie, bloqué dans le temps condamné, c’est du communisme, mais qui aurait réussi grâce au capitalisme. Mais le communisme réussi ou pas est une erreur fatale. Et le stoïcisme n’est pas un communisme  ( idée que je développerai peut être dans un prochain article). 

Ou est le bien dans tout cela ? Vous avez enfin votre citoyen du monde mais où est le bien ? Il est mort. Tous n’est plus que plaisir, c’est une société du désir, on assouvit le désir dès qu’il se présente. On supprime la souffrance du désir, qui est de ne pas avoir ou être lassé parce qu’on a déjà, par l’assouvissement immédiat de celui-ci dès qu’il se présente tout en l’augmentant dans de proportions toujours plus importantes pour soutenir la croissance. Puis, pour aller plus loin dans cette optique, on crée un nouveau dieu, une super IA capable de nous stimuler le cerveau pour y créer des images du paradis comme l’imagine Hazukashi, ou on crée un clone de l’espèce humaine dont la peau serait recouverte de corpuscules de Kraus (récepteurs du plaisir) pour ressentir des vagues de plaisir incessantes à chaque seconde de notre existence, comme l’imagine Houellbecq. Il n’y a plus de jugement de valeur et moral, il y a ce qui procure le plaisir = le bien et, ce qui ne le procure pas = le mal. Une nouvelle morale prostituée.  Cette nouvelle société n’est plus consciente, plus libre d’elle même, esclave du désir, la liberté de l’esprit n’existe plus, au fond ce n’est peut être pas plus mal ; en réalité, les gens les plus heureux sont souvent les moins conscients du monde qui les entoure, mais ce n’est pas l’idéal que je porte. L’homme est l’espèce de l’esprit. 

 

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