The Magic bus ou l’ère manger, bouger (point) fr

Le Magic Bus, c’est un petit bus d’Alaska qui transportait des mineurs dans les années 50. A la fermeture de la mine, c’est le seul bus abandonné sur le chemin. Personne ne sait pourquoi ; surement un pneu crevé.  Il est devenu mythique parce que c’est là qu’a séjourné Christopher McCandless, l’aventurier qui a inspiré le célèbre Into the Wild. Et ce bus, pour le voir, il faut marcher à travers des étendues sauvages d’Alaska, au milieu des ours, traverser une dizaine de rivières avec un courant extrêmement fort : pas un   petit chemin de randonnée. D’ailleurs, notre héro a eu beaucoup de mal : il a fini par trouver ce bus, s’y installer près de 100 jours, se faire coincer par l’hiver, manquer de nourriture et finir empoisonné par des graines. Depuis, son bus est un lieu de pèlerinage pour les aventuriers, pour ceux qui ont été frappés par son histoire, qui veulent questionner leurs existences, qui sont à la recherche de sens, comme lui l’était.

Où je veux en venir ? Si je parle de ce bus, c’est parce qu’il y a quelques mois, il a été déplacé en hélicoptère pour être mis dans un musée, et j’y vois quelque chose de symptomatique d’un fléau contemporain. Le motif était que beaucoup trop de gens se blessaient ou mourraient en voulant rejoindre le mythique bus.

On vit aujourd’hui dans un monde où le moindre danger est bâillonné, emmitouflé, clôturé,  scarifié de multiples indications de prévention : « Attention contient du fer… », le simple fait d’utiliser son shampoing est aujourd’hui un acte de bravoure, oui c’est plein de cochonneries, « sais-tu que tu peux attraper un cancer ? ». On a été matraqué au manger, bouger. fr, la chambre capitonnée est le nouveau must. Les gens ne savent plus ce qu’est le danger. Sortir un peu du chemin tracé est vite fustigé. 

Et ce bus est bien plus qu’un bus, c’est la catabase d’hommes qui veulent sortir de leur zone de confort, quitter leur vie pour affronter les éléments, seul face à la force de la nature, souffrir, survivre, descendre en enfer, se retrouver seul avec leurs pensées (surement le plus dur) pour atteindre un bus, le bus n’est rien en soit, c’est juste l’incarnation de ce cheminement, et le but. Mais le but n’a aucune valeur tout le monde le sait, c’est le périple qui compte. Cette aventure, est aventure justement parce qu’elle demande un sacrifice : souffrir simplement ou bien mourir de froid, emporté par le courants, attaqué par un ours, se perdre et mourir de faim… Et cette souffrance donne du sens. En mettant ce bus dans un musée ils suppriment tout la péripétie nécessaire pour l’atteindre, il n’y a plus de but, plus de souffrance, plus de sens. 

La majorité de ceux qui y vont sont comme ce McCandless, ils cherchent un sens à leur vie, il viennent accomplir la quête qui leur donnera un sens. La quête du sens est essentielle, une part de notre cerveau y est dédié, sans lui  c’est la mort, le pourrissement. Parce que la vie en elle même n’a peut être pas de sens, la seule fonction de l’espèce humaine est une reproduction éternelle, doublé d’adaptabilité pour une conservation dans la ligne du temps, reproduction sans fin, il n’y a aucune finalité à ça, aucun sens, du moins nous n’aurons jamais le recul pour en trouver un. Le recul d’un grain de sable dans un océan, quelques secondes dans l’immensité temporelle de l’univers.

En revanche si La vie n’a pas de sens, votre vie peut endosser celui que vous souhaitez. Le sens est essentiel. Un homme qui ère sans but, sans sens est soit un homme qui à tout compris à la vie, soit un homme au bord du suicide, ce qui est, à peu de choses près la même chose. Une fois que vous avez compris que la vie n’a pas de sens vous ne devriez pas avoir une attitude dépressive, mais au contraire, sereine et positive. Une fois qu’on a compris être insignifiant on se débarrasse de l’ego, de l’arrogance, on ne veut plus être maître du monde. Parce que le monde est un cailloux remplie de singes au milieu d’autres cailloux peut être remplient eux aussi de singes, au milieu d’une infinité de cailloux.  La une forme de modestie est possible. Il ne faut pas trop chercher à comprendre l’accident qui fait qu’on est là, il faut juste en tirer le meilleur. On est là et on a la chance d’être de la partie. 

Revenons au sens. Quel sens y a t-il à contempler un bus dans un musée ? On à réduit une quête de sens à un artefact dans un musée paumé en Alaska. Voir ce bus se mérite, aujourd’hui le petit américain moyen peut aller le voir après avoir commander son Big Mac grande frite au Macdonald du coin, lire la première ligne du panneau d’information puis le zappé parce qu’il est déjà lasse. On a tué le sens pour en faire un produit de consommation. En occident on supprime petit à petit tout ce qui peut permettre de se révéler à soi même, tout ce qui peut créer du sens, partout où il y a réellement possibilité d’en chercher, on condamne le lieu. Bientôt l’homme n’aura plus de quêtes possibles pour sa recherche de sens, condamné à pourrir sur place, son dernier recours, la consommation, dernier pourvoyeur de sens. 

Le musée sera bientôt la nouvelle métaphore de la vie, personne de vivra rien, l’existence sera uniquement accessible pour un ticket (gratuit pour les moins de 16 ans évidemment), seul moyen de vivre quelque chose. Le Musée du débarquement pour sentir un peu ce qu’est ce que d’avoir vraiment peur, ce qu’est la mort, le sacrifice, le sens de la patrie. Le musée de l’Ermitage pour effleurer, goûter  à la joie de vivre et la beauté. 

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